Des racines et des ailes

 

ArbreUn nom propre et une méthode…

La méthode Feldenkrais™ porte le nom d’un homme. Moshe Feldenkrais (1904-1984) autodidacte extrêmement curieux, scientifique, sportif et frondeur, a grandi dans une famille juive de tradition hassidique.
Comme son nom l’indique, elle est une méthode. Ce qui signifie qu’elle est à la fois une théorie et une pratique. Elle se base selon des préétablis qui sont toujours des croyances sur lesquelles « on mise ». Elle s’incarne dans un discours avec une sémantique spécifique. Elle porte en elle des ambiguïtés qui invitent aux débordements. Et une méthode, ne serait ce pas aussi une injonction à l’insubordination et à la créativité ?

 … sur une toile de fond

La méthode reflète une période. Après la seconde guerre mondiale se développent les théories qui façonnent toujours notre monde actuel. Des recherches et nouveaux paradigmes issus de domaines différents tels que la physique quantique, l’éthologie, l’anthropologie, la pédagogie et la psychologie, la génétique, la neurophysiologie et l’intelligence artificielle changent le rapport de l’homme à son environnement.
Un autre changement bouleverse aussi bien la sphère personnelle que la sphère sociétale : le bébé devient une personne (F. Dolto) et l’acte sexuel se distingue de l’acte de procréation (la pilule). Sur le versant « corporel », les techniques martiales venant de l’Orient déferlent sur l’Europe. Les recherches commencées entre deux guerres de personnes telles que Mabel Elsworth Tood, M.H. Erickson ou F.M. Alexander ouvrent de nouvelles perspectives sur le rapport au corps vécu. Sur le plan artistique, les danses contemporaines, les écoles d’acting inspirées des écoles russes et la contamination de l’art par la société de consommation font évoluer notre rapport au beau et au correct. Et puisque la méthode concerne la pédagogie, j’évoquerai des pédagogues tels que J. Korczak, J. Piaget, M. Montessori et ceux inspirés de L.Vygotski comme J. Bruner qui donnaient à voir  l’éducation autrement. Enfin, la méthode Feldenkrais appartient au vaste champ de la pensée systémiqueles systèmes sont des modules ordonnés d’éléments interdépendants et qui interagissent entre eux. qui fonde la vision de l’organisation du monde tel qu’il fonctionne aujourd’hui.
Moshe animera sa dernière formation en 1981 sur la côte ouest américaine durant la naissance du mouvement New Age au sein duquel s’entrechoquent toutes les sagesses ancestrales mondiales et plus précisément celles venues d’Orient. Pour vous donner un aperçu de l’esprit provocateur de Moshe, on le voit à cette formation d’Amherst, lancer à ses élèves : « Moi aussi je suis plein d’énergie quand j’ai mangé des fayots » Et de lever une fesse de la chaise, avant de donner une définition métaphorique de l’énergie. Moshe pense sa méthode selon des idées issues de Ch.Darwin, de E.Poincaré et de N.A.Bernstein. Et pour remonter le temps, disons que ses racines hassidiques nourrissent cet art du questionnement philosophique qui devient dans les leçons un questionnement sensorimoteurGestion par le système nerveux central des interaction entre les phénomènes sensoriels (intéroceptifs et extéroceptif) et l'activité motrice.   au service de la réorganisation de la personne.

 Un paradigme de l’adaptabilité pour la survie

La méthode telle qu’il l’envisageait s’appuie toujours sur le paradigme de la survie et de l’adaptabilité. On dit de lui qu’il évaluait toujours en terme de survie, les actions possibles dans un environnement établi. Ses réflexions portaient sur les processus et parmi ceux-ci, il y en a une qui soulève une question centrale : comment un humain se relève grandi et non détruit de l’adversité ? Qu’est-ce qui fait notre humanité, notre dignité ? « Il ne s’agit pas pour vous de redresser une colonne vertébrale mais de redresser une personne » disait-il à ses élèves. N’oublions pas que le siècle dernier avait engendré la Shoah et qu’enfant il avait connu les pogroms.

 Singularité de la méthode

Nous sommes dans la méthode en mouvement, mais nous ne faisons pas de gymnastique. On peut y acquérir plus de souplesse, plus de mobilité, plus de coordination, plus d’efficacité dans le travail de force, mais cela, nous pouvons aussi l’acquérir en faisant une multitude de pratiques corporelles.
Si on regarde le milieu du break dance, du cirque, des arts martiaux, du parkour et des gymnastes, les compétences à se mouvoir ont atteints un degré vertigineux. Se développent partout des pédagogies du mouvement de grandes qualités, les tutoriels pour devenir un bon « mover » explosent. Regardons le succès de personne telle qu’Ido Portal, Ryan Hurst, Coach Sommer, etc.
Si la méthode Feldenkrais ne vise pas ce genre de compétences, que fait elle ?

Nous développons l’attention à soi, qu’aujourd’hui le marché du développement personnel appelle le Mindfullness – enfin bon, parlez-en aux bouddhiste -, mais nous ne sommes pas une école de méditation, encore moins de sagesse. Nous aidons à guérir les blessures du corps et de l’âme, mais nous ne sommes ni une thérapie ni une psychanalyse. Nous aidons les gens à prendre leur vie en mains mais nous ne sommes pas coach.
Nous aidons des artistes à exprimer mieux leur art sans forcément être nous-mêmes artistes. Nous aidons des sportifs à développer leurs performances sans forcément pratiquer leur sport. Nous aidons des enfants porteurs de maladies génétiques ou de lésions cérébrales à progresser mais nous ne sommes pas des thérapeutes.
Que faisons-nous alors de différent, de précieux et central et qui peut être utile à un public aussi divers ?

 Une pédagogie des profondeurs en action

Nous créons un cadre privilégié où rencontrer notre faire en train de se faire. L’attention est portée au processus. Les résonnances de celui ci sur les plans sensorimoteur, émotif et intellectuel, ses modalités et son organisation selon l’intention. Chaque pratiquant se rencontre et commence à développer sa capacité à sentir de plus en plus finement des différences de plus en plus subtiles. Nous y savourons la « connectivité », le fluxSentiment de concentration énergique, de pleine implication et de plaisir. et l’immanence perpétuelle. Les praticiens ont des « outils vécus » très précis non seulement pour éveiller l’attention mais également pour créer un processus d’apprentissage extrêmement profond et bouleversant. A chaque actualisation de notre faire, nous avons l’opportunité et de l’améliorer et de nous améliorer par la même occasion. Il est nécessaire de préciser que ce faire a des racines qui n’appartiennent pas forcément au champ de ce qui est conscient. Transformer, enrichir la toile de fond de notre organisation sensorielle et motrice dans les champs de l’attention et de l’intention est un processus auto créateur.

 Le travail du système nerveux

Entre une action inconfortable, inefficace et désorganisée, et une action vécue agréablement dans l’efficacité et la méthode, le système nerveux tend à retrouver l’organisation optimale. Nous créons une auto-rééducation afin que l’individu retrouve un fonctionnement coordonné et adapté. Cela est alors ressenti par notre psyché comme agréable. L’action est de ce fait mémorisée et intégrée dans une émotion positive de plaisir et de confiance en soi.

A nous de transférer cette aisance et ce plaisir aux différents domaines de notre vie.

 Bonne rentrée !

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